AU PROGRAMME : Trajectoires de femmes et mutations sociales au Viêt-Nam

C’est devenu une tradition à l’ENS de Lyon : à l’initiative de l’Institut d’Asie Orientale (IAO), les étudiants et personnels de l’école sont invités à fêter le nouvel an lunaire le 4 février 2020. L’occasion de découvrir la culture asiatique lors d’une soirée thématique.

Programme sur www.ens-lyon.fr/NAL

A l'occasion de l'avènement de l'année de la Souris de Métal, l'Institut d'Asie Orientale propose un focus en deux temps sur une société vietnamienne en pleine mutation.


Trois trajectoires de femmes, issues de trois régions et de trois générations différentes, rythmeront la première partie de la soirée à travers trois documentaires des ateliers Varan à Hanoi. Dans la seconde partie, le deuxième long métrage de Phan Dang Di nous plongera dans une chronique des années 1990 dans le sud du pays dans laquelle la violence des rapports sociaux se mêle à la sensualité des corps et des nouvelles affirmations individuelles de la jeunesse.

Mékong Stories © Memento films distribution
Mékong Stories © Memento films distribution
 

Après une crise économique, sociale et politique sans précédent, illustrée par le phénomène des Boat People, les dirigeants vietnamiens décrètent une ère de « Renouveau » (Doi Moi) lors du sixième congrès du PCV de décembre 1986. Le secrétaire général du Parti (Nguyen Van Linh) invita les artistes « à ne plus courber la plume et se libérer des contraintes », à faire entendre leur voix. Cette recommandation au plus haut niveau de l’Etat-Parti fut suivie à la lettre avec l’avènement d’une nouvelle littérature incarnée par Bao Ninh, Duong Thu Huong, Nguyên Huy Thiêp ou Pham Thi Hoai, des innovations d’artistes plasticien.ne.s comme Truong Tan ou Y Nhi et une nouvelle vague cinématographique déconnectée de la propagande. La fin des années 1980 et les années 1990 marquent le départ puis l’affirmation d’un nouveau cinéma, plus en phase avec les réalités de la vie quotidienne, plus exigeant sur le plan pictural, plus critique sur le plan social et en prise avec les mutations économiques, sociales et culturelles du pays.

De nouveaux réalisateurs s’imposent. Parmi eux, Dang Nhât Minh, Luu Trong Ninh, Lê Hoang discutent du passé guerrier du pays offrant une vision moins clivée entre vainqueurs et vaincus. Si l’oppression politique n’est pas dépeinte directement, elle apparaît en filigrane derrière quelques titres marquants comme le très beau film « La jeune fille de la rivière » de Dang Nhât Minh, tourné en 1989, autorisé puis écarté des programmations. La nouvelle littérature s’avère être une source d’inspiration pour les réalisateurs donnant au cinéma de Dang Nhât Minh, de Viêt Linh ou de Vuong Duc une dimension internationale à travers des films désormais inscrit au patrimoine mondial comme « Nostalgie de la campagne » (1995) de Dang Nhât Minh. Une liberté de ton s’affiche au début des années 2000 au moment où la censure n’intervient plus en amont au niveau des scénarios et à l’arrivée des capitaux privés. A ce titre, le cinéma vietnamien s’enrichit des apports internationaux et de la vision particulière des Viêt Kiêu (Vietnamiens de l’étranger) à l’instar des réalisations de Lâm Lê, de Trân Anh Hung ou de Tony Bui.

En particulier, le nouveau cinéma s’intéresse à une jeunesse qui n’a pas connu la guerre et cherche ses repères face à la marche forcée de l’Etat-Parti vers une « économie de marché (capitaliste) à orientation socialiste ». Les générations sont confrontées à cette mutation sans précédent qui relègue l’héroïsme d’antan et la vertu révolutionnaire, promus par les autorités communistes, au second plan pour laisser place à une nouvelle société de loisirs, de sexe, de violence, de questionnements existentiels et d’affirmation de soi. Les fléaux sociaux (prostitution, drogue, gangstérisme) font l’objet de traitement spécifique à travers un cinéma populaire plus ou moins bien acceptés par les autorités ou bousculant les codes intellectuels mais très prisés de la jeunesse comme le démontre le succès de « Filles de bar » (2003) ou de « Gansta Girls » (2005) de Lê Hoang. Le cinéma de Phan Dang Di s’inscrit aussi dans la continuité des changements sociaux actuels entre désirs, amertume, rapports genrés et esthétique de la nature.

A côté de la réalisation cinématographique, de jeunes auteurs et autrices, soulignons-le, se mettent à dépeindre la réalité sociale du pays à travers des documentaires bruts décrivant le fonctionnement de la société vietnamienne en plein bouleversement. A partir de l’année 2004 les Ateliers Varan, présents au Viêt-Nam, permettent à de jeunes talents tels que Trân Phuong Thao, Nguyên Viêt Anh Thu, Trân Thi Cuc Phuong, Phan Huynh Trang, Nguyên Thi Thuy Quyên, Phan Thi Vâng Anh, Dung Hoang… de poser un regard lucide et sur le monde du travail et la place des femmes dans la société.

 

François Guillemot, IAO, CNRS, ENS de Lyon

Programme

17h00 : Vœux de Béatrice Jaluzot pour le Nouvel an lunaire suivis d’une présentation des films par Tatiana Tepliashina et François Guillemot.

Projections de trois documentaires :

  • « P.A. » de Phan Huynh Trang (2006, 42 min)
  • « Maman est partie à la ville » de Tran Thi Cuc Phuong (2010, 31 min)
  • « Madame la chef de quartier » de Dung Hoang (2009, 42 min)

19h30 : Entracte

20h00 : Film de fiction

  • « Mékong Stories » de Phan Dang Di (2016, 1h42, Memento films distribution)

Références :

Dang Nhât Minh, Mémoires d’un cinéaste Vietnamien, Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence 2017.
Philippe Dumont et Kirstie Gormley (dir.), Le cinéma vietnamien / Vietnamese Cinema, Lyon, Asiexpo Editions, 2007.
Pham Vu Dung (dir.), Vietnamese Cinematography. A Research Journey, Hanoi, Thê Gioi, 2007.

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